
Interview gourmande – Carl Marletti – Paris
Carl Marletti, ancien chef pâtissier du Grand Hôtel Intercontinental, a eu la gentillesse de me recevoir la semaine dernière dans sa délicieuse pâtisserie de la rue Censier, pour un entretien gourmand et alléchant. Ayant eu un parcours sans fautes dans l’univers du goût, cet amoureux d’une pâtisserie alliant saveurs et textures est également un féru de voyages et aime s’imprégner des rencontres qu’il y fait.
Pouvez vous me décrire une journée type ?
C.M. Je me lève à 4h du matin et ensuite je commence entre 5 et 6h. En premier, on s’occupe essentiellement de la cuisson, c’est à dire on cuit les fonds de tartelettes, les feuilletages. On fait toutes les préparations de base et la fournée de la sélection du jour. En général, on réalise entre 25 et 30 gâteaux en semaine, et le week-end entre 35 et 40. Donc le matin, on fait toutes les préparations de la boutique, ça va de la cuisson à la finition des petits gâteaux, pour être opérationnel à 10h à l’ouverture. C’est un peu comme au théâtre, on a le stress de la préparation et à 10h le rideau se lève et le spectacle commence. Il faut que tout soit prêt. Ensuite, on fait toute la mise en place (pâte feuilleté, préparation de crème, préparation des commandes). Ma journée se termine vers 21h non stop.
Est-ce que votre passion de la pâtisserie se transmet de génération en génération ?
C.M. Oui, tout à fait. C’est quelque chose que j’ai hérité de mon grand-père pâtissier boulanger. Je suis en fait issu d’une famille de pâtissier, j’ai été élevé dans l’univers Lenôtre. Ainsi, c’est quelque chose que j’ai envie de transmettre également à mes clients. Je veux que le client ressente cette générosité, car je suis quelqu’un d’entier. Je veux qu’on puisse retrouver cette émotion. J’aime les gout francs. J’aime prendre des classiques et les revisiter en les remettant au goût du jour. Donc les alléger, car les attentes des gens ont changé.
Quelle est la création dont vous êtes le plus fier ?
C.M. Il y en a une que j’aime le plus particulièrement, car je l’ai crée pour ma femme. Elle s’appelle le Lily Valley. C’est un Saint Honoré à la violette. La pâtisserie c’est quelque chose de très féminin et sensuel. La majeure partie de ma clientèle sont des femmes, car elles restent très gourmandes. J’aime les choses élégantes et le concept de ma boutique c’était de faire une bijouterie à gâteaux. Je ne fais que des gâteaux individuels. Esthétiquement, c’est vraiment joli de voir un linéaire de petits gâteaux, tous très soignés. D’ailleurs, pour ma signature, je mets de la feuille d’argent un peu partout, car je trouve ça beaucoup plus contemporain que de la feuille d’or et des perles en argent. Ma femme a une boutique de fleurs qui s’appelle Lily Valley et par amour je lui ai créé un gâteau. Je fais également toute une sélection de confitures, à la base assez classiques mais aussi fruits et chocolat et fruits et fleurs. Toutes les confitures déclinées fruits et fleurs sont marquées Carl Marletti pour Lily Valley que je vends également dans sa boutique de fleurs. (ndlr : Lily Valley – 101, rue Monge – 75005 Paris. www.lilyvalley.fr)
Vos créations appellent à la gourmandise, êtes-vous également un grand gourmand ?
C.M. OUIII ! Je suis très très gourmand, mais aussi bien sucré que salé, parce que j’aime partager ces moments de gastronomie avec des amis et c’est aussi une occasion où l’on échange. Chacun donne son point de vue. Et puis voilà, ça m’évoque le partage, la convivialité, sans oublier le plaisir. C’est vraiment un bonheur et j’aime voyager et découvrir de nouvelles saveurs et faire partager ça à mes clients quand je reviens. On est un pays très riche en gastronomie et on a un savoir-faire qu’il faut défendre, donc c’est aussi mon rôle en tant qu’artisan et pâtissier, quand je pars à l’étranger de promouvoir le savoir-faire de la pâtisserie française. J’aime beaucoup l’Asie et particulièrement le Japon. Il y a ainsi certaines influences dans mes gâteaux et dans la décoration. J’aime les choses épurées, jusqu’aux finitions de mes pâtisseries. J’aime les choses simples, efficaces mais élégantes !
Vos pâtisseries ressemblent à des petits bijoux, vous inspirez-vous de la mode dans la création de vos gâteaux ?
C.M. J’adore le design, la mode, et la joaillerie. Ce sont des métiers avec lesquels, on part d’une matière. J’aime travailler avec des stylistes. On a un savoir faire reconnu dans le monde entier aussi bien dans le design, la mode et l’art culinaire et ce qui est bien c’est de mélanger ces différents univers. J’ai eu le plaisir de travailler avec Chantal Thomas. Et à l’époque où je travaillais au Grand Hôtel intercontinental, j’avais travaillé sur le Cinq-cent feuilles, qui est ni plus ni moins la moitié d’un Mille feuilles, qu’on avait décliné en 5 versions, dont une version qu’on avait travaillé avec Paris Capitale Création de la Mode, en relation avec des stylistes qui donnaient leur touche et leur propre vision. Nous, dans l’art culinaire, on est parfois obligé de s’arrêter alors que les stylistes peuvent aller encore plus loin, ne serait ce par rapport à des gouts et des couleurs. Mais voilà, l’idée c’était vraiment de créer quelque chose ensemble en partageant nos talents. J’ai également travaillé avec Hervé Matégeski, qui fait des lampes en plumes magnifiques et aussi avec des architectes, le studio Marc Hertrich et Nicolas Adnet, on avait créé un dessert de la Saint Valentin, car je suis très admiratif de leur travail. On était parti sur l’esprit de la marguerite (je t’aime, un peu, beaucoup…etc..) décliné en gâteau. C’était un gâteau évolutif, à partager. Certains avaient même été déclinés avec des saphirs, émeraudes et diamants !
Si vous deviez partir sur une ile déserte, quel serait l’accessoire fétiche et indispensable que vous apporteriez ?
C.M. Un couteau. On peut faire pas mal de chose avec !
Pouvez vous me donner un conseil ou une astuce si je souhaite épater mes amis lors d’un diner à la maison ?
C.M. Ce serait de faire quelque chose de simple mais qui aurait du goût avec de belles matières premières. Pour moi, c’est le secret : la qualité. Les gens reviennent toujours au classique. Ils achèteront de temps en temps un bon gâteau rock and roll mais reviendront au final sur des choses simples. On a tous des souvenirs d’enfance, qui nous ont marqué et qui nous suivent toute notre vie. On a toujours un peu des repères que notre mère ou grand mère pouvaient faire.
Comment voyez-vous évoluer votre métier ?
C.M. De plus en plus, dans beaucoup de domaines, il y aura vraiment la distinction entre le haut de gamme et le bas de gamme. Et moi, mon objectif est bien sûr de faire parti des meilleurs et continuer à promouvoir nos compétences et défendre notre pays par rapport aux richesses qu’on peut avoir. Le client sera toujours prêt à payer un peu plus pour avoir de bons produits avec une vraie traçabilité.
Avez vous quelques adresses gourmandes à me conseiller sur Paris ?
C.M. J’en ai plein ! J’ai un très très bon thaïlandais, où je vais ce soir d’ailleurs (Rân cham – 5 rue de l’Avé Maria -75004 Paris – www.rancham.com). J’ai un ami qui vient d’ouvrir un restaurant qui s’appellent Pirouette, c’est de la cuisine française (5 rue Mondétour – 75001 Paris – 01 40 26 47 81). Sinon, Yamamoto, c’est un restaurant japonais, qui est vraiment excellent (6, Rue Chabanais – 75002 Paris – 01 49 27 96 26). J’ai aussi mon ami le Père Claude, c’est un institution sur Paris qui est une de mes cantines et qui dont avoir plus de 25 ans. C’est une affaire familiale. C’est une bonne cuisine du Sud-Ouest (www.lepereclaude.com). Et pour finir, Le Café d’Angel (16, rue Brey 75017 Paris t.: 01 47 54 03 33). C’est un ancien du Jules Verne. C’est une cuisine française généreuse qui a du goût. Mais, j’ai plein d’autres adresses, j’en oublie sûrement plein. C’est vrai que j’aime manger !
Happy City
Merci !!! C’était un très bon moment. J’espère que ce sera le premier d’une longue série. 🙂